Somport : répression de l’Etat pour imposer les camions.

« Quand il y a discrimination, il n’y a pas de Justice. » C’est en ces termes que Maitre Blanco
résumait son propos, à la sortie du tribunal de Pau qui venait de sanctionner une militante du
collectif « Stop camions » de Vallée d’Aspe, à payer 200 euros d’amende pour « entrave à la
circulation ». Cette militante avait déposé une petite nappe de pique-nique et un panier devant
un semi remorque, lors d’une action de blocage du collectif, au rond point d’Accous, le 9
septembre dernier. Elle fait appel de cette décision, n’acceptant pas le principe d’une
condamnation.

Force est de constater que les autorités font deux poids deux mesures, lorsque la répression
s’abat sur une militante de ce collectif, qui se bat pour l’interdiction de circulation en vallée
d’Aspe des camions, hors desserte locale, tandis qu’elles laissaient, devant ses gendarmes, les
anti-ours bloquer la circulation et fouiller les véhiculent, le 8 octobre suivant… Les autorités
laissent également les camions circuler dans une zone natura 2000.

Par ailleurs, l’avocat souligne un problème juridique : « la commune de Borce a pris un
arrêté interdisant la circulation des camions le 30 août dernier. Cet arrêté, qui n’a pas été
attaqué par le préfet, fait partie de l’ordonnancement juridique : on ne peut pas poursuivre
les habitants pour entrave à la circulation de camions qui n’ont pas à circuler sur cette route
en raison de l’arrêté ».

Comment expliquer une telle attitude des pouvoirs publics ? Les autorités qui gèrent le tunnel
du Somport ont décelé une augmentation du trafic de camions de plus de 10% depuis la mise
en place d’une taxe au Pays-Basque Espagnol. Les entreprises de poids-lourds cherchent une
alternative pour éviter un péage qui oscille entre 0,56 et 6,89 euros, en fonction de leur poids
et de la distance parcourue, entre le col d’Echegárate et Irún. Lorsque la mise en quatre voies
sera terminée au col de Monrepos (A23), ce sont trois axes européens qui convergeront vers
Jaca pour rejoindre le réseau autoroutier français via la RN 134, c’est-à-dire, en traversant la
vallée d’Aspe et le piémont béarnais entre Pau et Oloron. Les autorités se sont engagées à
améliorer la RN 134, dans le cadre de cet axe européen E7 qu’elles veulent aménager depuis
la création du tunnel du Somport (1).

Rappelons les objectifs de l’époque qui avaient été dévoilés dans une étude du CNRS par
André Etchelecou : il s’agissait d’arriver à un flux de 2800 camions par jour. L’universitaire
annonçait déjà les conséquences de ces aménagements : « Pollution, nuisances sonores,
transport de matières dangereuses. La vallée serait notamment victime de ce que l’on appelle
en montagne une situation thermique inversée. Les gaz d’échappement, qui sont plus
importants en raison de l’augmentation de la consommation de carburant due à la pente de
la route, s’accumulent comme sous une cloche d’air froid. Les nuisances liées au bruit sont
également amplifiées dans un tel site. Si, en plaine, 300 mètres suffisent pour réduire le bruit
à 50 décibels, il en faut de 700 à 1100 pour le même effet dans une vallée encaissée. Le
transport de matières dangereuses s’intensifiant, les valléens seraient à la merci
d’évacuations précipitées en cas de fuite d’une citerne. Il faut savoir qu’une simple flaque de
10 mètres de diamètre au sol de trichlorure de phosphore (des camions qui en sont chargés
traversent déjà les villages d’Aspe) nécessite une zone de sécurité de 1200×480 mètres.» (2)

Une centaine de personnes étaient venues soutenir la militante, conscients que cette première
attaque est l’annonce de la répression contre un mouvement qui gène les autorités et le lobby
des transports, devant lequel elles s’inclinent. Pourtant, un chauffeur est mort dans des
conditions atroces sans que le préfet n’ai daigné prendre position jusqu’à ce jour de procès. La
lettre ouverte que notre syndicat lui a adressée n’a toujours pas reçu de réponse (3). Par contre,
un nouveau procès aura lieu contre deux militants qui s’opposent aux aménagements de l’axe
européen E7, le 12 décembre prochain. Il faudra, là aussi, montrer notre solidarité.
Jipé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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1 = « L’ÉTAT PROMET UN COUP D’ACCÉLÉRATEUR SUR LES AMÉNAGEMENTS DE LA RN 134 », Par Gildas BOËNNEC, La République des Pyrénées, 20 Juin 2018.

2 = Interview d’André Etchelecou, Sud-Ouest Béarn Soule du 23 avril 1995.

3 = Vous pouvez retrouver cette lettre sur notre site : http://cnt-ait-pau.fr/lettre-ouverte-de-la-cnt-au-prefet-des-pyrenees-atlantique-au-sujet-du-somport/

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